Le cadre clarifié des évaluations des Dispositifs Médicaux Numériques apporte des précisions attendues pour l’accès au remboursement, et s’inscrit dans un mouvement plus large de structuration des évaluations des technologies numériques en santé, dont la cartographie publiée en juillet 2025 a posé les bases.
Depuis 2023, deux voies spécifiques permettent la prise en charge des Dispositifs Médicaux Numériques par la solidarité nationale : la Liste des activités de télésurveillance médicale (LATM), qui constitue la voie de droit commun pour les solutions de télésurveillance, et la prise en charge anticipée (PECAN), réservée aux Dispositifs Médicaux Numériques présumés innovants, à visée thérapeutique ou de télésurveillance. Le nouveau référentiel ne crée pas de nouvelles voies, mais précise les modalités d’admission et les attentes de la Commission nationale d’évaluation des dispositifs médicaux et des technologies de santé (CNEDiMTS).
En résumé:
La HAS précise les principes d’évaluation des dispositifs médicaux numériques (DMN) et leurs conditions d’accès au remboursement via la LATM et la prise en charge anticipée PECAN. Le cadre renforce les exigences en matière de preuves cliniques, de qualité méthodologique et surtout d’impact organisationnel, désormais déterminant pour la télésurveillance. Les industriels doivent anticiper la trajectoire d’évaluation et structurer des dossiers documentés. Le marquage CE, conditionne toute demande d’évaluation, qu’il s’agisse d’une inscription LATM, LPPR ou d’une demande de prise en charge anticipée PECAN. Objectif : sécuriser l’intégration des Dispositifs Médicaux Numériques dans les parcours de soins et accompagner leur déploiement à grande échelle.
Un marché en expansion qui nécessite plus de lisibilité
Le recours aux Dispositifs Médicaux Numériques progresse rapidement, notamment dans le suivi des maladies chroniques et l’appui aux parcours coordonnés. Pourtant, nombre de solutions sont encore mises en œuvre sans évaluation structurée ou avec des données cliniques et organisationnelles incomplètes, ce qui freine leur diffusion et leur financement. La HAS rappelle que l’objectif est de créer un cadre de confiance, garantissant que les solutions réellement utiles puissent s’intégrer durablement dans le système de soins.
Prérequis incontournable : le marquage CE, conforme au Règlement européen 2017/745. Il conditionne toute demande d’évaluation, qu’il s’agisse d’une inscription LATM, LPPR ou d’une demande de prise en charge anticipée PECAN.
LATM et PECAN : deux voies, deux logiques
LATM s’adresse aux activités de télésurveillance médicale.
Pour être inscrite, l’activité doit démontrer :
- un intérêt clinique supérieur ou équivalent aux pratiques existantes,
- ou un progrès organisationnel significatif (amélioration de la coordination, réduction de la charge en soins, optimisation du suivi).
Ce point a été particulièrement souligné : l’impact organisationnel peut suffire, à condition qu’il soit documenté et chiffré.
PECAN, de son côté, offre un financement transitoire d’un an pour les Dispositifs Médicaux Numériques innovants dont les premières données suggèrent un bénéfice, mais nécessitent une consolidation. L’industriel doit proposer une trajectoire d’évaluation précise, comprenant le calendrier des études et les engagements de production de données. Cette trajectoire est désormais examinée avec davantage d’exigence.
Critères d’évaluation : montée en rigueur
Quatre dimensions structurent l’évaluation :
- Efficacité clinique : résultats démontrés ou plausibles selon la voie choisie.
- Sécurité et gestion des risques, faisant partie de la démarche qualité et soumis à l’audit qualité.
- Impact organisationnel, désormais considéré comme un critère majeur, notamment pour la télésurveillance.
- Qualité méthodologique du dossier : comparateur, critères de jugement, description du protocole, transparence des données.
Le webinaire de la HAS a mis en garde contre les dossiers où le bénéfice organisationnel est « mentionné mais non objectivé ». L’élaboration d’indicateurs concrets (temps soignant, fréquence des interventions, réhospitalisations évitées) doit être anticipée dès la conception du service.
Un impact direct sur les stratégies industrielles
Pour les éditeurs et fabricants, la clarification des règles modifie les points d’attention :
- anticiper le choix de la voie d’accès au marché (LATM, LPPR, PECAN, acte professionnel) selon le cas d’usage ;
- associer les professionnels de santé en amont pour documenter les effets sur les pratiques ;
- préparer une argumentation structurée, alignée sur les critères de la CNEDiMTS.
La HAS souligne également la convergence progressive avec les cadres européens, notamment dans la continuité des échanges franco-allemands autour des solutions de santé numériques.
Vers une intégration opérationnelle des Dispositifs Médicaux Numériques
Le cadre d’évaluation désormais stabilisé permet d’envisager un déploiement plus large et plus lisible des Dispositifs Médicaux Numériques dans les parcours de soins. Reste un enjeu : transformer les preuves attendues en données observables sur le terrain, condition indispensable à la diffusion à grande échelle.
Les industriels qui réussiront seront ceux qui auront intégré, dès l’amont du développement, ces exigences cliniques, organisationnelles et méthodologiques. En d’autres termes : le temps du “preuve après déploiement” est révolu ; celui du “preuve pour déployer” s’ouvre clairement.
Equipe A-AMCOS