L’adoption du référentiel PICO (Population, Intervention, Comparator, Outcome) s’inscrit dans une mutation profonde du paysage réglementaire européen : celle de l’Évaluation conjointe des technologies de santé (ETS), instaurée par le règlement (UE) 2021/2282.
Entré progressivement en vigueur depuis 2025, le référentiel PICO vise à harmoniser l’analyse clinique des médicaments innovants à l’échelle de l’Union. Derrière cet objectif technique se joue une ambition politique : parler enfin la même langue de la preuve pour renforcer l’accès équitable à l’innovation.
Résumé
Le référentiel PICO (Population, Intervention, Comparator, Outcome) devient la clé de voûte de l’Évaluation conjointe des technologies de santé (ETS) instaurée par le règlement (UE) 2021/2282. En harmonisant la méthode d’analyse clinique entre EMA, HAS et autorités nationales, l’Europe se dote d’un langage commun de la preuve pour renforcer la transparence, accélérer l’accès aux innovations et rapprocher évaluation et remboursement.
Vers une évaluation européenne partagée des technologies de santé
Longtemps fragmentée entre États membres, l’évaluation clinique des médicaments reposait sur des approches méthodologiques et des comparateurs variables, compliquant la comparabilité des résultats. Avec la mise en place du règlement ETS, la Commission européenne, l’Agence européenne des médicaments (EMA) et les autorités nationales d’évaluation entendent unifier la manière d’analyser la valeur clinique ajoutée des nouveaux traitements.
Le référentiel PICO devient ainsi la pierre angulaire de cette harmonisation. Il définit la façon dont une étude clinique est structurée et interprétée : quelle population est concernée, quelle intervention est évaluée, quel comparateur est retenu et quels résultats sont mesurés. Cette logique, déjà familière aux chercheurs, devient désormais le cadre officiel des évaluations conjointes au sein de l’Union.
Un dialogue scientifique renforcé pour les technologies de santé
Cette évolution ne se limite pas à une standardisation des formulaires ou des méthodes : elle transforme la relation entre autorités et industriels.
Les nouvelles procédures d’évaluation conjointe encouragent un dialogue en amont sur les choix de comparateurs, les critères de jugement ou la pertinence clinique des « endpoints ». Grâce à cette approche, les entreprises peuvent anticiper les attentes européennes dès la phase de développement clinique, plutôt que de s’y adapter a posteriori.
L’EMA joue un rôle central dans cette dynamique, en coordonnant les avis scientifiques conjoints, les activités de la Task Force sur l’innovation (ITF) et le programme PRIME, destiné aux médicaments répondant à un besoin médical non couvert. Cette coopération accrue vise à éviter les doublons, à accélérer la mise sur le marché et à garantir que la preuve scientifique soit reconnue de manière cohérente dans tous les États membres.
Des effets attendus sur les décisions de remboursement des technologies de santé
Si l’évaluation clinique devient commune, les décisions de prix et de remboursement demeurent du ressort national, un principe réaffirmé par la Commission européenne. Mais en créant un référentiel partagé, l’ETS et PICO modifient la nature même des dossiers soumis aux autorités nationales. Les preuves cliniques, désormais structurées et comparables, permettent une lecture plus homogène des bénéfices thérapeutiques.
Pour les agences comme la HAS en France, le G-BA en Allemagne ou l’AIFA en Italie, cette convergence devrait réduire les écarts d’interprétation et accélérer les décisions d’accès, sans remettre en cause la souveraineté des politiques de santé.
À terme, ce socle commun pourrait aussi faciliter la prise en compte des données de vie réelle, via des initiatives telles que DARWIN EU, le réseau européen d’analyse des données du monde réel piloté par l’EMA, pour mieux relier évaluation clinique et efficacité observée.
Une culture européenne de la preuve et de la transparence
La méthode PICO traduit une ambition plus large : instaurer une culture partagée de la preuve entre scientifiques, autorités et industriels. L’Europe de la santé s’oriente vers un modèle plus collaboratif, où la confiance repose sur la transparence et la comparabilité des données. La publication proactive des rapports d’évaluation (EPAR), l’ouverture des bases de données cliniques et l’implication croissante des patients et professionnels de santé dans les comités scientifiques de l’EMA participent de ce mouvement.
Pour les industriels, cette évolution impose un nouveau réflexe : intégrer la logique PICO et l’esprit de l’ETS dès la conception du plan de développement, en anticipant non seulement la validation scientifique, mais aussi la lecture économique et sociétale des preuves.
Vers une Europe plus lisible et plus équitable
En articulant rigueur scientifique, dialogue institutionnel et clarté des preuves, l’Europe construit les fondations d’un marché du médicament plus transparent et plus prévisible. Le référentiel PICO, socle de la future évaluation conjointe, ne se réduit pas à une grille méthodologique : il symbolise l’émergence d’un langage commun, capable de concilier innovation et exigence de comparabilité.
Cette convergence, sans gommer les spécificités nationales, pourrait réduire les délais d’accès des patients, renforcer la confiance dans les décisions de remboursement et, à terme, rapprocher les systèmes de santé autour d’un objectif partagé : mieux évaluer pour mieux soigner.
Equipe A-AMCOS