Organiser les compétences en santé et en organisation des soins, l’enjeu oublié de la transformation numérique.
Télémédecine, intelligence artificielle, objets connectés, big data… L’innovation numérique continue à bouleverser en profondeur notre système de soins. Pourtant, un maillon essentiel de cette transformation reste largement sous-estimé : l’organisation des compétences. Si l’on parle beaucoup des technologies, on parle très peu de celles et ceux qui doivent les faire fonctionner, les intégrer dans leur quotidien professionnel et en tirer une valeur clinique, organisationnelle ou humaine.
Qualité pédagogique et dynamique collective
Face à ces mutations, le Knowledge Management (KM) ou gestion des connaissances, apparaît comme un levier stratégique encore trop peu exploité. Il consiste à identifier les savoirs critiques, cartographier les compétences, détecter les vulnérabilités et organiser le partage d’expertise. Le KM peut également optimiser les coûts de développement continu des collaborateurs : en identifiant les faiblesses individuelles, il permet une formation ciblée et efficace ; en facilitant le partage des connaissances, il valorise les ressources existantes et cible les progrès potentiels. Autrement dit, il permet de conjuguer rigueur budgétaire, qualité pédagogique et dynamique collective.
« Le numérique nécessite un effort d’acculturation fort, notamment pour les métiers du soin. Le KM permet de construire une vision collective des compétences nécessaires et d’ajuster les formations en continu », souligne la Délégation ministérielle du numérique en santé (DNS) dans sa Feuille de route du numérique en santé 2023-2027 (Ministère de la Santé, 2023).
Parcours de compétences
L’enjeu de formation ouvre la voie à l’organisation de véritables parcours de compétences, intégrés dans les trajectoires professionnelles. C’est la condition pour faire émerger des filières solides, capables de répondre à l’hybridation croissante des savoirs. Certains établissements comme le CHU de Nantes ou les Hospices Civils de Lyon testent déjà des approches innovantes : cartographies dynamiques des compétences, communautés apprenantes, partage de pratiques interservices, ou encore hybridation des rôles entre informatique et soins.
Dimension humaine incontournable
Organiser les compétences est un pilier stratégique de la transformation numérique, au même titre que les investissements technologiques ou les infrastructures de données. L’oubli de cette dimension humaine fragilise la promesse d’un virage numérique équitable et efficace. Comme le souligne l’Observatoire national des métiers de la fonction publique hospitalière dans son Rapport sur les métiers de la santé à l’horizon 2030 : « La structuration des filières numériques n’est pas qu’une affaire de logiciels, mais de reconnaissance des expertises nouvelles et de gestion prévisionnelle des emplois » (Rapport Observatoire FPH 2022)
Car si la technologie impose sa cadence, c’est à l’humain de poser les fondations. Plus qu’une série de formations ponctuelles, il s’agit désormais de construire une stratégie globale des compétences, fondée sur des dispositifs pédagogiques ancrés dans la pratique, capables d’accompagner l’évolution des métiers sur le long terme. C’est là que la gestion dématérialisée du Knowledge Management prend tout son sens dans le développement professionnel personnalisé. Une approche transversale, adaptée aux réalités de terrain, et conçue pour faire émerger une culture professionnelle partagée, grâce aux outils numériques adaptés aux parcours de développement des compétences en soins et organisation des soins.