Prescription infirmière : un tournant pour l’accès aux soins

La loi du 27 juin 2025 portant sur l’élargissement des compétences des infirmiers vient d’être promulguée. Cette réforme marque une évolution majeure dans l’organisation des soins de premier recours en France.

Désormais, les infirmiers en pratique avancée (IPA) peuvent, dans certaines conditions, prescrire des médicaments, des dispositifs médicaux, des examens biologiques et même délivrer des arrêts de travail de courte durée. Un changement de paradigme pensé pour répondre à deux enjeux de fond : pallier les déserts médicaux et reconnaître davantage l’expertise infirmière.

Les intentions de cette réforme ont été rappelés par Nicole Dubré‑Chirat, rapporteure du projet de loi : « Nous allons répondre à l’enjeu de la reconnaissance de la profession d’infirmière », notant que la réglementation en vigueur datait de 2004 et ne reflétait plus « la réalité du métier au quotidien¹ ». Parallèlement, Frédéric Valletoux (Horizons), président de la commission des affaires sociales, a invité « la nation à reconnaître à leur juste place le rôle et les compétences des infirmiers », précisant qu’« ils sont essentiels dans la prise en charge des Français ». Au Sénat, le ministre de la Santé, Yannick Neuder, a insisté sur l’esprit d’apaisement de la réforme : « Il n’est pas question d’ouvrir un front avec les médecins… Les missions de l’infirmier ont toujours vocation à être exercées en coopération et en complémentarité. »

Prescription étendue

L’extension du droit de prescription, déjà encadrée dans certaines structures depuis 2018, prend aujourd’hui une dimension plus large. En autorisant un accès direct aux IPA — sans passer par un médecin — la réforme vise à désengorger les cabinets médicaux et à faciliter l’accès aux soins pour les patients, notamment dans les zones sous-dotées. Pour une infection urinaire, une plaie simple ou un renouvellement de traitement courant, un infirmier formé pourra désormais agir de manière autonome, tout en restant en lien avec les médecins en cas de situation complexe.

Sur le terrain, cette avancée est saluée comme un levier efficace pour améliorer la réactivité du système de santé, sans compromettre la qualité des prises en charge. Les compétences mobilisées par les IPA sont reconnues et validées par un parcours de formation spécifique, garantissant une maîtrise des actes prescrits. En parallèle, les pouvoirs publics ont précisé le périmètre des prescriptions possibles, via des arrêtés ministériels, afin de sécuriser la démarche tant pour les professionnels que pour les patients.

Au-delà de la réponse aux tensions d’accès, cette réforme constitue un pas significatif vers la revalorisation du métier infirmier. Elle confère une reconnaissance institutionnelle à un rôle souvent jugé trop limité par rapport aux compétences réellement exercées. Le texte inscrit dans la loi des missions élargies : suivi des pathologies chroniques, actions de prévention, éducation thérapeutique, coordination du parcours de soins, participation à la recherche clinique. C’est toute une redéfinition du rôle infirmier qui s’opère, avec à la clé de nouvelles attentes en matière de formation, de rémunération et d’organisation du travail.

Dispositif expérimental

Une phase expérimentale, prévue dans cinq départements, permettra d’ajuster le dispositif avant sa généralisation. Elle devra aussi nourrir les futures négociations conventionnelles, notamment sur les modalités de financement et les équilibres à trouver entre autonomie des IPA et articulation avec les autres acteurs de santé. Car si cette réforme est porteuse d’espoir, elle ne pourra produire ses effets qu’à condition d’un accompagnement soutenu, tant sur le plan réglementaire qu’organisationnel.

En conférant aux infirmiers un rôle accru dans l’accès aux soins, la loi de 2025 amorce un changement profond dans notre manière de penser la médecine de proximité. Il s’agit désormais de transformer l’essai, pour bâtir un modèle de santé plus réactif, plus collaboratif et mieux réparti sur le territoire.

Equipe A-AMCOS

  1. LCP Assemblée Nationale 11/03/2025